Interview de Pascal Wespiser

L’e-business, une opportunité d’optimisation

Son métier ? Recruter ! Faciliter l’embauche d’intérimaires, mais également permettre la conclusion de contrats de personnel tertiaire et de cadres à durée indéterminée (CDI). Zone d’action : l’Alsace, la Moselle – l’Est de la France de manière générale – au bénéfice de cette région mais également de l’Allemagne. « En chiffres, ça représente en moyenne 1 000 équivalents temps plein par mois, 1 500 clients et à peu près 110 recrutements en CDI sur une année », explique Pascal Wespiser, patron de Gezim. L’entreprise pèse 30 millions d’euros de chiffre d’affaires dont 25 % réalisés en Allemagne.

Gezim, est née à Sélestat au début des années 70 dans le but principal de fournir aux entreprises allemandes de la main-d’œuvre intérimaire ou permanente. Depuis, elle a grandi dans ce marché transfrontalier très particulier. « Avec la chute du Mur de Berlin, les sociétés allemandes ont commencé à regarder plus vers l’Est. C’est la raison pour laquelle Gezim a évolué, s’intéressant de beaucoup plus près au marché local, délaissant un peu l’Allemagne pour se tourner vers le Bas-Rhin, une partie de l’Alsace… ». Et progresser !

L’avènement de l’informatique et du web a-t-il changé votre manière de travailler ?

Ça a tout changé ! Entre ce qu’était l’univers de l’intérim ou du recrutement il y a encore sept-huit ans et aujourd’hui, il n’y a pas photo ! Un chiffre pour comprendre : il y a une décennie, au début des années 2000 donc, en Alsace, les recrutements en intérim, se faisaient par l’ANPE (NDLR : l’équivalent du Forem en Belgique ou de l’Adem au Grand-Duché de Luxembourg) et par le journal local les « Dernières nouvelles d’Alsace » qui développait un cahier d’offres d’emplois. Pour faire simple, cela représentait 70-75 % de la manière de recruter les travailleurs. Pour mesurer l’ampleur du changement, il faut se rendre compte que ces deux canaux, aujourd’hui, ne représentent plus, à eux deux, que 15 % du marché des offres d’emploi ! Tout le reste a basculé sur Internet, sur des jobboards (NDLR : un jobboard est un site permettant aux candidats à l’embauche d’accéder à une liste d’offres d’emploi et de déposer leur CV dans une base de données), sur des sites professionnels comme le nôtre ou comme ceux d’Adecco, Ranstad etc. Et c’est compter sans l’arrivée d’un nouveau canal : les réseaux sociaux.

Les réseaux sociaux ?

Bien sûr ! Il est intéressant de constater qu’ils se divisent en deux catégories en fonction du profil des demandeurs. Les cadres et les chercheurs d’emploi qualifiés sont volontiers présents sur des réseaux de type Viadeo ou LinkedIn. Par contre, les postulants à des jobs moins qualifiés, utiliseront plus volontiers Facebook. Ce dernier ne fait souvent que relayer les offres de nos sites mais le principal c’est que les candidats accèdent à ces offres. On l’aura compris, le cahier « spécial emploi » des « Dernières Nouvelles d’Alsace » ou de quotidiens similaires, c’est fini ou presque ! L’avènement du web et des réseaux sociaux a donc changé complètement la manière dont les recruteurs cherchent les candidats et dont les candidats cherchent un emploi.

En réalité, ces réseaux concurrencent votre métier…

Pas du tout, nous les utilisons dans le cadre de notre activité professionnelle. Nous sommes un des acteurs de l’emploi très présents sur le web, notre site Internet reçoit chaque mois 6 000 à 7 000 visiteurs uniques. Notre page Facebook dédicacée à l’emploi bénéficie du soutien de 3 000 fans, ces derniers reçoivent nos offres sur leurs murs. Nous utilisons ces outils populaires mais, bien entendu, nous mettons aussi nos annonces sur les jobboards tels que Regionsjob, Monster, Cadreemploi… Nous achetons des emplacements de telle sorte qu’ils deviennent nos supports de communication privilégiés. Cette démarche a remplacé l’annonce papier. Il est impossible désormais de faire de la recherche de candidats sans ces réseaux et outils assimilés. Dans le même temps, les candidats n’achètent plus vraiment de journaux dans ce but et ils ne viennent pratiquement plus déposer leur CV dans les agences d’intérim… Par contre, ils répondent à des offres sur les jobboards et déposent leurs CV dans des CVthèques électroniques.

Avez-vous développé des outils propres sur le web pour être performants ?

Nous avons réactualisé notre site Internet pour qu’il colle aux besoins du moment, qu’il soit accueillant et professionnel. En fait, il doit être très facile d’y déposer un curriculum vitae ou de répondre à une annonce. En deux clics, le demandeur d’emploi doit pouvoir avoir accès à l’annonce visée. Nous avons beaucoup travaillé pour faire évoluer notre site web de cette manière. Par ailleurs, nous avons développé une page Facebook Pro, destinée à relayer nos annonces d’offres d’emplois de notre site via le réseau Facebook. Enfin, nous avons optimisé notre travail avec les jobboards existants.

Ce qui a dû constituer une petite révolution en interne…

Il est évident que nos collaborateurs ont dû changer la manière dont ils travaillaient. Jusqu’il y a quelques années, l’outil Internet avait d’autres fonctions dans notre métier. Désormais, nos collaborateurs ne peuvent plus faire autrement. Nous avons aussi mis en place une CVthèque propre, complémentaire à celle de Monster ou Regionsjob. De cette manière, nous pouvons mieux gérer les profils et demandes de nos candidats, que leur CV soit déposé physiquement en agence ou par mail. L’objectif est évidemment de les retrouver en fonction des besoins du client.

Avez-vous adapté votre site à toutes les applications mobiles ?

Nous n’y sommes pas encore passés. Je dois dire que c’est une dépense conséquente. Par contre, l’annonce Facebook Pro est optimisée pour le mobile. Cela étant, nous observons l’évolution des modes de consommation, nous voyons les jeunes aller sur le web avec leur smartphone. Après une grosse mise à niveau de notre site web voici deux ans, nous savons que ce sera notre prochain investissement et nous préparons dès à présent cette étape. Par contre, une annonce c’est d’abord du texte, nous savons donc qu’il est indispensable de bien la travailler pour qu’elle soit aisément lisible sur un support mobile. Le passage vers ce type de format ne peut pas se faire n’importe comment.

Facebook, ça suppose des commentaires, suivez-vous, contrôlez-vous ce qu’on dit sur vous ?

Nous avons évidemment un employé dédicacé au suivi de ce qui se passe sur Facebook à notre sujet. Par contre, il ne faut se leurrer, notre page est un outil professionnel. Les membres n’y viennent pas par passion, mais pour chercher de l’info « emploi ». Quand on vient chez nous c’est parce qu’on cherche du travail. Nous avons remarqué que toutes les infos un peu globales ne sont pas les plus suivies, il n’y a donc pas beaucoup d’autres contenus que les annonces et des informations très pratiques. Pour faire bref, on vient sur la page Facebook de Gezim pour chercher un boulot, pas pour se divertir.

Êtes-vous confrontés à des employeurs qui ne passent plus par vos services mais qui utilisent leur propre réseau, leurs propres pages web pour le recrutement ?

Il y en a toujours eu et ça continue. Il faut se souvenir cependant que l’agence intérim n’est pas là uniquement pour passer des annonces, elle assume tout le travail de sélection, elle rencontre les candidats, fait les contrôles de référence etc. C’est tout un aspect du travail qui n’apparaît pas au grand public. Internet et Facebook ne sont qu’un moyen d’accéder aux profils ou à l’emploi, le vrai travail commence après.

La valeur d’une entreprise comme la vôtre tient-elle à sa capacité à bien gérer sa présence sur le web ?

C’est une démarche indispensable mais pas suffisante. Dans notre métier, celui qui n’est pas en phase avec ces outils-là, ne peut plus être efficace. Par contre, nous avons créé des applications complémentaires, capables de se greffer sur les outils de base.

Un exemple ?

Pour une grosse demande sur un profil donné, je peux faire une sélection dans ma CVthèque et la connecter avec une sortie en SMS. Je peux donc envoyer des dizaines de SMS en même temps à des gens que j’aurais identifiés comme des caristes, des électriciens ou une autre fonction demandée. En greffant des moyens de communication supplémentaires sur ma base de données, je peux travailler plus rapidement et être plus réactif dans un monde où tout doit aller vite. Aujourd’hui, sans ces outils, je ne pourrais plus être efficace.

Pour une entreprise comme la vôtre, l’e-business est-il opportunité de croissance ?

C’est une opportunité d’optimisation, une manière d’être meilleur, de se démarquer.