Interview de Pierre FOCANT

Concentrez-vous sur votre métier, laissez-nous l’informatique

Relativement discret dans le grand public, Systemat est pourtant « un » partenaire informatique privilégié des entreprises belges et luxembourgeoises. Son patron, Pierre Focant était cadre chez Systemat quand en 2011, avec son associé actuel Vincent Schaller, ils ont procédé à un MBO (management buy out) sur le groupe avec l’appui de Field Sicar. Le premier assume désormais la direction générale (CEO) tandis que le second est en charge de la politique commerciale (CCO). 
 
En tant que prestataire global de services informatiques, Systemat s’est donné pour mission de libérer ses clients des contraintes liées à la sélection et à la gestion des équipements, logiciels et outils qui forment ensemble le système d’information. Pour ce faire, Systemat a résolument opté pour une stratégie indépendante vis-à-vis des constructeurs et éditeurs informatiques, ce qui lui permet d’agir comme le partenaire privilégié de ses clients. 
 
Intégrateur de solutions et prestataire de services informatiques, le Groupe Systemat réalise un chiffre d’affaires annuel de 120 millions d’euros (2012). Ses 350 employés sont au service d’une clientèle composée de grandes entreprises privées, d’organismes publics et de PME. Son offre de services étendue couvre notamment la maintenance des systèmes, l’infogérance et l’hébergement sécurisé de l’infrastructure IT de ses clients.
 
Afin de couvrir au mieux son marché et d’être plus proche de ses clients, Systemat est présent de Gand à Luxembourg, en passant par Wilrijk (Anvers), Lasne (Bruxelles), Jumet (Charleroi) et Awans (Liège). « Cette approche customer centric permet à Systemat de renforcer le partenariat avec ses clients et de maximiser son apport en termes de valeur ajoutée », assure Pierre Focant. Explications.


On vous connaît comme partenaire des pouvoirs publics et des grandes entreprises, les PME sont-elles la troisième corde à votre arc ?

Effectivement, dans notre stratégie nous nous positionnons de plus en plus sur le segment des petites et moyennes entreprises. Nous leur offrons des solutions d’hébergement dans nos infrastructures data centers mais, au-delà de l’hébergement, nous pouvons gérer et intégrer l’ensemble de leurs applications et données. En fait, nous sommes capables d’outsourcer complètement la gestion de l’infrastructure de nos clients, que ce soit chez eux ou dans nos data centers.

Systemat poursuit-elle ses activités traditionnelles ?

Absolument, c’est un peu le challenge de la transformation de l’entreprise. À côté de cet accent très orienté vers les PME, nous conservons et développons bien sûr nos métiers historiques plus orientés vers le public et les grands comptes dans le domaine de la distribution, de la maintenance, de la configuration, de l’installation, du helpdesk etc. Ils représentent une grande part de notre activité et nous continuons à l’étendre, à travailler sur ce terrain. Ce type de projet est vraiment lié à l’acquisition de clients de hardware et aux services additionnels tels qu’installation, migration, maintenance, helpdesk etc. Cela étant nous cherchons à augmenter la valeur ajoutée de ce que nous pouvons prester en apportant des solutions globales, d’où l’attention particulière à notre troisième segment de marché que sont les PME.

Mais, précisément, pourquoi l’avoir développé ces dernières années ?

D’abord, c’est un axe de croissance mais aussi c’est un segment de marché où deux acteurs ont décidé, avec autant de fermeté que la nôtre de se positionner, donc c’est pour nous un élément de différenciation. Ensuite, nous avons cette volonté de ne pas proposer aux PME les projets ICT (technologies de l’information et de la communication) habituels que nos concurrents proposent sur le marché mais de vraiment développer une démarche d’externalisation de la gestion de l’infrastructure. Notre message à leur égard est limpide : concentrez-vous sur votre métier, laissez-vous l’informatique.

C’est-à-dire ?

Nous leur disons : « Votre métier est sans doute ce que vous faites de mieux : nous vous proposons de vous concentrer dessus tandis que l’informatique, qui n’est pas une fin en soi mais un moyen, est notre métier ». Notre défi c’est de faire en sorte que ce moyen soit hautement sécurisé, disponible, mobile… Nous travaillons à offrir les infrastructures et les systèmes qui permettent de bénéficier de ces qualités sans que ce soit un souci pour vous.

Y a-t-il une différence entre offrir ce type de solution à des PME plutôt qu’à des multinationales ?

D’abord, nous pensons que les multinationales se tournent volontiers aujourd’hui vers des grands noms internationaux du secteur, ce que nous ne sommes pas. Ensuite, pour tout ce qui à trait aux data centers, beaucoup de grandes entreprises construisent leur « private Cloud » et leur propre data center, alors ce que ce n’est pas possible pour les sociétés de plus petite taille. Par ailleurs, nous avons un facteur de différenciation additionnelle : pour ces PME nous avons développé une technologie qui nous permet de distribuer des applications « non Cloud native ».

C’est-à-dire ?

La plupart des PME disposent toujours d’un programme, d’une application ou une base de données qui n’a pas été développée historiquement pour vivre dans le Cloud. Nous leur proposons alors de les prendre en charge et de les héberger comme si elles étaient « cloudées ». Ce positionnement est très important car il nous permet de dire à un patron de PME : vous savez, pour aller dans le Cloud, c’est tout ou rien car si c’est seulement avec une partie le return investissement ne sera pas assuré.

Pourquoi ce tout ou rien ?

Car dans le cas d’une migration partielle, il faudra payer pour aller dans le Cloud mais aussi pour maintenir une infrastructure interne avec tout ce que cela suppose en matière de storage, net working, sécurité… Donc il est très important pour une PME de prendre la décision de partir dans le Cloud avec l’ensemble de ses données et infrastructures. C’est la raison pour laquelle elle doit s’assurer de pouvoir « outboarder » comme on dit dans notre langage l’ensemble de ses applications, même celles qui n’ont pas été développées dans cet esprit, d’où l’intérêt de notre attention aux applications « non Cloud native ».

Les PME restent parfois réticentes face à cette migration. Le fait d’avoir un interlocuteur proche est-il important ?

C’est essentiel à nos yeux ! Des acteurs « Cloud » internationaux offrent bien entendu des solutions intéressantes mais lorsque vous avez besoin d’aide ou de conseils que faites-vous ? Vous envoyez un mail à un interlocuteur quelque part dans le monde et vous attendez… Ce n’est pas évident pour tout le monde ! C’est la raison pour laquelle conclure un contrat Cloud avec un interlocuteur local qui comprend vos attentes et vos besoins, permet de mettre un visage humain sur vos besoins virtuels ! C’est essentiel car généralement on ne migre pas dans le Cloud du jour au lendemain… La plupart des entreprises ont un historique en matière d’organisation, d’infrastructure, de gestion des données… Lorsqu’elles décident d’aller dans le Cloud, ce qui en soit est une bonne décision, c’est tout leur projet qu’elles doivent migrer… Avoir à faire avec un partenaire régional ou local est essentiel dans ce contexte.

En fin de compte, aller dans le Cloud, n’est-ce pas aussi céder à une mode ?

Ce n’est pas une mode c’est une évolution technologique qui génère des modes de travail différents, qui permet des usages différents, et en tout cas beaucoup plus modernes, de l’outil informatique. À l’heure où l’on parle de congestion des routes, de mobilité, d’accès 24/24… À l’heure où tout se mondialise, où l’on veut une sécurité absolue des données de l’entreprise… aller dans le Cloud c’est une réponse à toutes ces problématiques.

Un exemple ?

Aujourd’hui, une PME avec une dizaine de commerciaux sur la route doit pouvoir leur assurer un accès à toute heure du jour et de la nuit à tout ce dont ils ont besoin comme données pour pouvoir encoder leurs contrats ou écrire leur rapport. Cette PME doit être certaine que si on vole le portable d’un de ses commerciaux, les données ne seront pas perdues mais bien sécurisées dans un data center. Elle doit pouvoir leur assurer une mobilité complète. Si une PME veut bénéficier de cette sécurité-là, elle doit investir fortement dans ses infrastructures et ce ne sera pas rentable. Alors que si elle partage une infrastructure professionnelle dans le Cloud avec d’autres clients, elle bénéficiera directement d’un effet d’échelle qui lui offre disponibilité et sécurité de haut niveau tout en se préservant d’investissements qui seraient inconsidérés à sa taille.

E-business et Cloud computing vont-il nécessairement ensemble ?

Oui mais dans un second temps car quand une entreprise fait le choix d’aller vers le Cloud, elle doit d’abord gérer, analyser, étudier, phaser son projet avec un interlocuteur physique. Une fois cette migration réalisée, si le client final a besoin de puissance spécifique ou d’espace de stockage additionnel, il pourra lui-même commander ces produits via « un Cloud portal ». Mais dans un premier temps, il est irréaliste pour une PME de vouloir commander seule un serveur virtuel et d’y transférer elle-même ses applications. Afin de réussir le passage d’un monde à l’autre, il faut un interlocuteur compétent pour gérer le projet.

Est-ce que votre défi c’est aussi d’offrir ces solutions Cloud à des coûts abordables ?

Absolument. Nous sommes capables d’héberger quasiment toutes les infrastructures existantes actuellement dans les PME pour un coût de maximum 120 euros par utilisateur et par mois. Ce qui veut dire que pour une société de 15 personnes, la facture flirtera avec les 1 800 euros par mois ou les 20 000 euros par an. Et encore, nous sommes ici dans une fourchette haute. De plus, cela comprend tout qui est hébergé, la sécurité et le prix de son infrastructure.

On sait que le principal écueil du Cloud c’est la sécurité. Quelles garanties un acteur comme Systemat peut-il offrir ?

D’abord, nous avons fait le choix du Grand-Duché de Luxembourg pour notre Cloud. La nouvelle infrastructure Cloud de Systemat est hébergée dans les installations de LuxConnect à Bettembourg et Bissen-Roost, deux data centers espacés de plusieurs dizaines de kilomètres. Il s’agit d’un investissement important pour groupe, de 2,25 millions d’euros. Ces data centers sont labellisés « Tier IV », soit le plus haut niveau de sécurisation actuel. C’est déjà une première garantie de sécurité.

Ensuite la loi luxembourgeoise garantit au client la pérennité de ses données : même si nous devions faire faillite, le curateur serait obligé de maintenir l’activité le temps que le client puisse récupérer toutes ses informations. Ces facteurs légaux visent à protéger le consommateur, nous avons donc choisi le Grand-Duché en connaissance de cause.

Enfin, nous disposons d’une batterie d’anti-virus et firewall bien plus étendue que ce que pourrait avoir une PME à titre personnel. Faire ce choix c’est donc relever le défi de la sécurité.

L’avenir dans le business du web, c’est le software plutôt que le hardware ?

La question est délicate. Ce sont les applications, donc le software, qui rendent les entreprises efficaces mais pour avoir des applications hautement disponibles, sécurisées et mobiles, il faut des infrastructures. Donc, au-delà du software qui est l’essence même de ce que recherche une société, il faut des infrastructures de qualité. Ainsi, le prestataire de service et l’apporteur de solutions au marché que nous sommes, voit plutôt l’avenir dans la gestion de ces infrastructures. C’est ce que Systemat fait aujourd’hui. Sur ce marché des PME nous sommes un cas relativement unique. D’ailleurs, à cet égard, nous sommes en train de définir une « stratégie indirecte » car il y a de plus en plus d’acteurs qui développent des applications mais qui se rendent compte qu’au-delà de leur métier de développeur ils ont besoin de partenaires « infrastructure » pour les héberger. Leur métier c’est l’application, pas l’infrastructure. En d’autres termes, nous sommes aujourd’hui de plus en plus occupés à nouer des partenariats intelligents avec des acteurs qui font des choses différentes.

Vous êtes historiquement actifs sur Belgique et le Grand-Duché, le Cloud ouvre-t-il vos frontières ?

C’est une particularité de tous ces métiers axés sur le Cloud : il n’y a pas de frontière étatique, à l’exception dans notre cas de ce qui doit est fait au regard des clients luxembourgeois certifiés PFS (professionnel du secteur financier). Cela dit, avec des data centers au Luxembourg nous pouvons évidemment approcher tous les pays limitrophes. Par contre, ce dont nous sommes persuadés c’est que pour pouvoir offrir un excellent service à nos clients, il faut pouvoir d’abord offrir un contact de responsable d’entreprise à responsable d’entreprise, donc naturellement nos métiers connaissent une croissance en cercles concentriques par rapport à nos localisations géographiques. Nous tenons à ce contact humain en plus du virtuel. C’est notre marque de fabrique.   